• Insécurité: l'échec du tout-répressif

    La baisse des chiffres globaux de la délinquance a peu à voir avec l'ardeur répressive du gouvernement. Son action ne répond pas aux formes d'insécurité du quotidien dont souffre une partie de la population, souvent peu favorisée.

    S'il est un domaine où les pouvoirs publics n'ont pas peur de tenir des discours contradictoires, c'est bien celui de l'insécurité. Tantôt, ils présentent des résultats statistiques qui témoignent de la baisse des crimes et délits, afin de démontrer combien la politique menée est efficace; tantôt, ils mettent en exergue le dernier fait divers crapuleux, pour faire peur aux "honnêtes gens" et les inciter à réélire demain celui qui affirme haut et fort sa volonté de mettre au pas les délinquants. De deux choses l'une: soit l'insécurité persiste, et les méthodes mises en oeuvre depuis l'arrivée au ministère de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy en 2002 sont inefficaces; soit elle baisse vraiment, et on attendrait alors de ce président volontariste qu'il consacre son énergie à d'autres dossiers, à commencer par la lutte contre le chômage.

    Que nous disent les chiffres?

    Pris dans leur ensemble, les chiffres de la délinquance sont clairement en baisse. Entre 2002 et 2009, le nombre de crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie a ainsi diminué de 689 à 564 pour 10 000 habitants, et le nombre de faits enregistrés par la police au cours d'une année a baissé de 600 000 entre 2002 et 2009. Une décrue qui tranche avec la hausse enregistrée entre 1997 et 2002: le taux était alors passé de 597 à 689 (voir graphique ci-dessus).

    Ces statistiques globales ne signifient cependant pas grand-chose: on y mélange meurtres et chèques sans provision. Enfin, la baisse peut tenir à l'activité des forces de l'ordre (la peur du gendarme rend vertueux) ou… à leur inactivité (une baisse des contrôles suffit à faire diminuer le nombre de faits constatés).

    Pour mieux comprendre les transformations en cours, nous avons reconstitué les séries historiques. En se contentant d'un découpage grossier en quatre grands critères, il apparaît déjà clairement que la baisse constatée s'explique par la diminution des vols (voir graphique). Entre le milieu des années 1960 et le milieu des années 1980, ceux-ci avaient fortement progressé, passant de 100 à 400 vols pour 10 000 habitants. Le chiffre plafonne ensuite autour de ce niveau, puis redescend nettement à partir de 2002, pour revenir à 300 en 2009.

    Les infractions économiques et financières (chèques sans provision, escroqueries, etc.) sont, quant à elles, pratiquement stables depuis le milieu des années 1990. Même constat depuis 2003 pour la catégorie fourre-tout des "autres infractions". Seuls les crimes et délits contre les personnes ne cessent d'augmenter: de 24 pour 10 000 habitants en 1990, elles grimpent à 66 pour 10 000 en 2009.

    La baisse se concentre donc sur les vols. Et en matière de vols, tout est dans la voiture. Pour le comprendre, nous avons disséqué sur la période 2004-2009 le document "Etat 4001" établi par le ministère de l'Intérieur, qui récapitule en 100 postes différents les crimes et délits. Edifiant. Au cours des cinq dernières années, sur les 300 000 faits en moins enregistrés, on compte 290 000 vols d'automobiles, d'accessoires ou à l'intérieur des véhicules et autres dégradations! Cette évolution est pour l'essentiel liée à une meilleure protection des véhicules (1). A cela s'ajoute un autre phénomène: "l'avènement d'une classe moyenne dans les pays de l'Est, et notamment la Pologne, a pour partie tari les filières de vols à destination de l'étranger", explique Pierre-Olivier Adrey, directeur technique et produit à la Macif. Autre exemple: l'équipement généralisé en téléphones portables réduit l'intérêt du vol, sauf pour les produits de valeur. Un phénomène qui explique en partie les 20 000 vols à la tire de moins observés ces cinq dernières années… Autant d'évolutions qui ne doivent rien à l'ardeur répressive du gouvernement.

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