La richesse de la plaine provient en grande partie de la complémentarité des habitats.

La Plaines des Maures, présentation en quelques mots :

Un substrat géologique rare :

Le permien, à l’origine de nombreux faciès de sols et de paysages originaux

Une incroyable diversité végétale :

-Environ un millier d’espèces de plantes, le quart de la flore nationale !

-38 habitats naturels différents des plus secs aux plus humides !

-50 espèces de plantes protégées, un record national !

-Le plus important réseau de mares et ruisseaux temporaires ;

-Des contrastes saisissants où plantes montagnardes et africaines se côtoient !

Un bastion d’espèces animales emblématiques :

-Les plus importantes populations de tortue d’Hermann de France continentale ;

-7 espèces de batraciens ;

-15 espèces de reptiles dont des populations majeures de lézard ocellé ;

-une large communauté d’oiseaux macro-insectivores (rolliers, guêpiers, huppe, pies-grièches…) ;

- Un terrain de chasse majeur pour les chauves-souris et les rapaces ;

- Une diversité entomologique hors du commun ;

Notre région présente le paradoxe d’être la plus riche en terme de biodiversité et d’être relativement mal dotée en aires protégées, surtout en dehors des zones de montagne. Après une quinzaine  d’années de procédure, 5276 hectares situés au cœur de la Plaine des Maures, sur environ 15 000 hectares de plaine au sens géographique, bénéficient aujourd’hui de ce statut très attendu. Cette réserve nationale est la première du Var et la douzième de notre région !

A l’heure où l’on parle de plus en plus de connecter les aires protégées entre elle, il était urgent qu’un des fleurons de notre biodiversité bénéficie d’un statut de protection à la hauteur de ses qualités écologiques. En effet, au-delà des grands discours en vogue sur la biodiversité, la protection concrète de la nature, surtout sur des échelles significatives n’est pas chose facile sur le terrain. On mesure souvent mal le décalage culturel entre les idées généralement répandues dans le milieu de la conservation et la perception locale, rurale, souvent très conservatrice dans ce domaine.

Dans ce contexte, il faut dépenser beaucoup d’énergie pour convaincre à l’idée que le paysage que l’on a toujours connu n’est pas immuable et risque d’être englouti dans le tourbillon de la modernité si des décisions politiques claires ne sont pas prises.

Le CEEP s’attelle à ce travail de sensibilisation depuis longtemps. L’inertie locale, les peurs, les fantasmes, les manipulations populistes, les intérêts particuliers se seront mobilisés contre ce projet, en vain. N’oublions pas que la Plaine est un objet de convoitises et de spéculations foncières depuis les années 70. C’est peu de dire que le débat aura été passionné de toutes parts. Manifestations et slogans hostiles peints sur les routes auront également ponctué l’avancée du dossier. La nature des arguments utilisés en complet décalage avec la réalité du décret (réserve d’indiens, projet liberticide des technocrates de Bruxelles, mise sous cloche…) et la mauvaise foi systématique, ont démontré l’archaïsme sociologique en vigueur vis-à-vis de l’environnement.

Une quinzaine d’année auront donc été nécessaires pour arriver, ce 23 juin 2009 à la publication au Journal Officiel du décret de création de la Réserve Naturelle Nationale de la Plaine des Maures. Lancée en pleine période de conflit liée à l’affaire « Michelin »*, l’idée aura fait son chemin au fil du temps. Avec le recul, rien n’était gagné à l’époque et il s’est fallu de peu de choses pour que la Plaine des Maures ne finisse pas engloutie sous le béton comme tant d’autres plaines méditerranéennes. Ceci aura été possible grâce à l’obstination des associations du Collectif pour la Plaine des Maures**, dont le CEEP, cheville ouvrière du processus, depuis le début. Rien n’aurait été possible non plus sans la constance politique de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et di Logement qui a su maintenir le cap au cours de toutes ces années. Nous tenons à souligner le rôle très important de Mlle Sophie Berlin qui a conduit le dossier jusqu’à son terme. Localement, on a beaucoup apporté de confusion aux esprits avec un débat stérile sur une opposition entre Parc Naturel Régional contre la Réserve Naturelle. Les deux sont bien sûr complémentaires et pas du tout antagonistes comme plein d’exemples en témoignent en France. Objectivement, aucun autre statut de protection ne pouvait mieux convenir à ce territoire et à ces enjeux (voir présentation de l’en-tête). Un site d’importance internationale méritait pour le moins une reconnaissance nationale. C’est le discours que nous avons toujours tenu et c’est la ligne politique que l’Etat a suivie sans faille.

Au-delà des menaces de grandes ampleurs qui pesaient sur ce territoire, la plaine était devenue au fil du temps et des mauvaises habitudes, une zone de non droit. Il était urgent de pouvoir affirmer le caractère particulier de ce territoire. De même, face à l’accroissement de la fréquentation et de la diversité des pratiques, il est devenu nécessaire d’assurer une présence en légitimant une structure gestionnaire compétente pour aborder les problèmes de conservation transversaux au territoire. Le besoin d’un interlocuteur privilégié vis-à-vis des propriétaires et des usagers s’est donc affirmé avec la prise de conscience localement des enjeux environnementaux. Le décret de création contient les grands principes et cadre ce qu’il est possible de faire ou pas (par exemple, ne pas porter atteinte aux espèces sauvages ou  ne pas modifier l’écoulement des eaux). Il ne constitue pas en soi la réglementation pratique qui en découlera. Il est organisé en plusieurs rubriques :

- Délimitation et dispositions générales ;

- Dispositions prises pour la protection du patrimoine naturel ;

- Règles applicables aux travaux ;

- Réglementation des activités pastorales, agricoles, industrielles, commerciales et forestières ;

- Règles applicables à la circulation, aux activités sportives et de loisir et aux autres usages.

Liberticide pour certains, galvaudant l’esprit des réserves naturelles pour d’autres, le décret résulte d’une vaste concertation et tient lieu de compromis. Il reprend somme toute beaucoup d’éléments déjà réglementés (mais pas toujours appliqués !). La grande force de cette réserve résulte de l’affirmation du caractère unique et original de cet espace et ce, pour le long terme. Pour autant, le plus dur reste à faire. Il conviendra de rassembler le plus grand nombre d’acteurs autour de ce territoire et des principes de bon sens que fixent le décret, faire la part belle à la pédagogie, à la surveillance, à la protection des espèces les plus rares, à la valorisation des produits de ce terroir si particulier. Un travail de longue haleine s’annonce. Fidèle à sa vocation, le CEEP est tout entier disposé à mettre à disposition ses compétences et son expérience en matière de concertation, de connaissance scientifique et de gestionnaire, acquises en Plaine des Maures.

Nul doute qu’avec le temps, les populations locales prendront conscience de la chance de pouvoir côtoyer un site aussi exceptionnel. Gageons que la Plaine deviendra alors dans l’esprit collectif autre chose qu’un espace broussailleux traversé à la va-vite sur la route de Saint-Tropez.

* le projet de centre d’essai de pneumatique dans les années 90 devait être le point de départ d’un aménagement complet et programmé de la Plaine des Maures déjà bien amorcé alors sur certains secteurs.

**Le collectif pour la Plaine des Maures : l’APEVV, Ethique Environnement, LPO-PACA, SFOrchidophilie, SNPN, SPOTOM, CEEP, UDVN, … et individuels.

Le décret est disponible sur le site web des réserves naturelles de France.

Par Antoine Catard

CEEP : Conservatoire- Etudes des Ecosystèmes de Provence – Alpes du sud

http://www.ceep.asso.fr/

Garrigues N°46, pages 8-9

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