• Ségolène Royal et les rieurs

    PAR GUY KONOPNICKI dans MARIANNE du 23 au 29 juillet


    Il importe, pour être dans le ton, de se moquer de Ségolène Royal, et, surtout, de la tenir pour quantité négligeable. Les instituts d'opinion réduisant la primaire socialiste à un duel entre François Hollande et Martine Aubry, les déclarations de la candi­date 2007 méritent six lignes, au bas de la page 10, dans le Monde daté du 19 juillet. Que dit-elle ? Ségolène Royal se propose de rassembler ' d'abord les socialistes, ensuite les éco­logistes, l'extrême gauche, les centristes humanistes, mais aussi la droite gaul­liste », On rit de plus belle, à droite et, surtout, à gauche. Rassembler, quel mot épouvantable !

    Faut-il préférer l'affirmation de chaque différence, retrouver cette merveilleuse gauche plurielle des joyeuses manifestations antifascistes qui suivirent l'élimi­nation de Lionel Jospin ? Car elles étaient festives, ces mardis du 1er mai 2002, la gauche qui s'était émiettée se retrouvait, elle n'avait plus besoin d'imaginer une alliance assez large pour gouverner le pays. Enfin libérée des affreux compromis qu'imposent les responsabilités, la gauche pou­vait crier * le fascisme ne passera pas t. La gauche ne pardonnera jamais à Ségolène Royal de lui avoir gâché l'élection suivante, en se qualifiant pour le second tour. Lionel Jospin force le respect, Ségolène Royal est nunuche et ringarde. Et voici qu'elle parle de rassembler ! Mais c'est qu'elle gâcherait la primaire, ce moment privilégié où l'on peut, enfin, se retrouver entre socialistes, sans trop songer au moment où il faudra bien se mêler à d'autres.

    Les socialistes demeu­rent prisonniers du schéma de pensée qui a perdu Lio­nel Jospin. Sachant que le PS est le premier parti d'opposition, son candidat arrivera au second tour et il récupérera les voix des autres. Il n'a donc pas besoin de décrire, par avance, le rassemble­ment nécessaire, non seulement pour battre l'adversaire, mais, très accessoirement, pour constituer une majorité capable de gouverner. Ce raisonnement, Ségolène Royal sait d'expérience qu'il permet, au mieux, de réunir 47 % des suffrages au second tour. Les aspirations aux changements, les idées de rénova­tion politique sont portées par des forces éparses, parfois opposées, qui se trouvent sur un arc parfaitement décrit par Ségolène Royal. C'est très exactement ce que Marianne appelle l'arc républicain. Mais que pèse une déclaration de Ségolène Royal, quand s'enfle une polémique née d'une déclaration d'Eva Joly sur les défilés du 14 Juillet ? Le piquant de l'affaire, c'est que depuis la fête de la Fédération, en 1790, l'histoire de la fête nationale est ponctuée de grands défïiés civils. Celui du 14 juillet 1935 rassemblait, autour du serment du Front populaire, un arc républicain, diversifié comme celui que Ségolène Royal appelle de ses vœux.

    L'extrême gauche dira, bien sûr, qu'elle ne peut accepter d'inclure des forces de droite dans une alliance majoritaire. Pourtant, elle se revendique, avec raison, de l'esprit et du programme du Conseil National de la Résistance. Il y avait dans ce conseil des commu­nistes et des démocrates-chrétiens, des socialistes et des nationalistes barrésiens, des prêtres et des bouf-feurs de curés, des colbertistes et des libéraux. C'est à cette alliance hété­roclite, rassemblée par le général de Gaulle, que nous devons, entre autres choses, la Sécu, les retraites et le droit de vote des femmes. Mieux : ce gouvernement d'union refusa la domination des marchés financiers, il nationalisa les banques, et il initia une politique publique de l'énergie. Mais ce que propose Ségolène n'a guère d'importance. L'heure n'est pas au grand rassemblement popu­laire, on s'en tiendra donc à la petite arithmétique électorale.

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