• "The only thing we have to fear is fear itself"

    Grand discours historique étudié en Terminale et qui prend une toute autre raisonnance aujourd'hui !

    "..permettez-moi d'affirmer ma ferme conviction que la seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même — l'indéfinissable, la déraisonnable, l'injustifiable terreur qui paralyse les efforts nécessaires pour convertir la déroute en marche en avant."

    Au printemps 1933, à l'heure où un nouveau président s'apprête à entrer en fonction, les Etats-Unis sont plongés depuis trois ans et demi dans une crise économique sans précédent. Les républicains ayant manifestement échoué à la résorber, les Américains décident d'accorder leur confiance aux démocrates et au changement promis par leur candidat, Franklin Roosevelt. Sous le nom de New Deal, celui-ci propose une manière différente d'appréhender et de gérer les questions socio-économiques, en alliant libéralisme et intervention mesurée de l'Etat. [...]
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    Cousin de l'ancien président républicain Théodore Roosevelt, Franklin Delano Roosevelt (1882-1945), avocat de formation, est sénateur démocrate de New York puis secrétaire adjoint à la Marine sous Wilson de 1913 à 1920. L'année suivante, il est victime d'une attaque de poliomyélite, mais la maladie ne met pas fin à sa carrière. Gouverneur de New York de 1929 à 1933, alors que la ville compte un million de chômeurs, il reçoit l'investiture du parti en juillet 1932 sur la formule, vague encore, de New Deal, soit «nouvelle donne», comme au jeu de cartes. L'idée d'annoncer une rupture forte vient du groupe de jeunes intellectuels dont il s'est entouré, le Brain Trust. Il s'agit de rompre avec la passivité et le style de Hoover, de reconquérir la confiance des Américains en leur proposant une gestion dynamique, efficace mais empirique de la crise. En effet, le New Deal n'est pas une théorie mais le nom génétique sous lequel seront initiés un certain nombre de réformes censées redresser le pays en mettant fin aux excès du libéralisme sauvage.
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    En novembre 1932, Roosevelt est élu avec 57,5% des suffrages, 42 des 48 Etats lui ayant accordé la majorité. Toutefois, la tradition politique américaine fixe la transmission des pouvoirs au 4 mars 1933, un samedi de grisaille. Dans l'intervalle, la crise s'est encore aggravée, surtout dans le domaine bancaire. Le jour même où Roosevelt prononce son énergique discours d'investiture, de nombreuses banques ont été contraintes de fermer.


    Discours d'investiture de
    Franklin Delano Roosevelt,
    le 4 mars 1933.

    Président Hoover, monsieur le président de la Cour Suprême, mes amis :

        Voici un jour de consécration nationale. Et je suis certain qu'en ce jour mes concitoyens américains attendent qu'à l'occasion de mon accession à la présidence, je m'adresse à eux avec la sincérité et la résolution qu'impose la situation présente de notre peuple.

        C'est par dessus tout le moment de dire la vérité, toute la vérité, franchement et courageusement. Nous ne pouvons faire l'économie de l'honnêteté face à la situation de notre pays aujourd'hui. Cette grande nation résistera, comme elle a résisté, se relèvera et prospérera.

        Donc, premièrement, permettez-moi d'affirmer ma ferme conviction que la seule chose dont nous devons avoir peur est la peur elle-même — l'indéfinissable, la déraisonnable, l'injustifiable terreur qui paralyse les efforts nécessaires pour convertir la déroute en marche en avant. Lors de chacune des noires heures de notre vie nationale, un franc et vigoureux commandement a rencontré cette compréhension et ce soutien du peuple même qui sont essentiels à la victoire. Et je suis convaincu que de nouveau vous lui donnerez votre soutien en ces jours critiques.

        C'est dans cet état d'esprit, de ma part et de la votre, que nous devons faire face à nos difficultés communes. Elles ne concernent, Dieu merci, que les choses matérielles. Les valeurs ont chuté à des niveaux fantastiques ; les taxes ont augmenté ; notre capacité à payer s'est effondrée ; partout les gouvernements font face à de sérieuses réductions de revenus ; les moyens d'échanges sont bloqués par le gel des courants commerciaux ; les feuilles mortes des entreprises industrielles jonchent partout le sol ; les fermiers ne trouvent plus de marchés pour leurs produits, et pour des milliers de familles l'épargne de plusieurs années s'est évaporée. Plus important, une foule de citoyens sans emploi se trouve confrontée au sinistre problème de sa survie, et à peu près autant triment pour un salaire misérable.

        Seul un optimiste idiot pourrait nier les sombres réalités du moment.

        Et pourtant notre détresse ne provient pas d'un manque de ressources. Nous n'avons pas été frappés par la plaie des sauterelles. En comparaison des périls que nos pères ont vaincus - car ils espéraient et n'avaient pas peur - il nous reste encore largement de quoi rendre grâce. La Nature nous offre toujours ses libéralités, et les efforts humains les ont multipliées. L'abondance est sur le pas de la porte, prête à être généreusement utilisée, mais sous les yeux même de cette offre la demande agonise.

        Essentiellement, tout cela vient du fait que les responsables des échanges des biens de l'humanité ont échoué, de par leur propre entêtement et leur propre incompétence, ont admis leur échec, et ont abdiqué. Les pratiques des usuriers sans scrupules se trouvent dénoncées devant le tribunal de l'opinion publique, rejetées aussi bien par les coeurs que par les âmes des hommes.

        A la vérité, ils ont essayé. Mais leurs efforts portaient l'empreinte d'une tradition périmée. Confrontés à l'effondrement du crédit, ils n'ont proposé que le prêt de plus d'argent. Dépouillés de l'appât du profit par lequel ils induisaient notre peuple à suivre leur fausse direction, ils en vinrent aux exhortations, plaidant la larme à l'oeil pour le retour de la confiance. Ils ne connaissent que les règles d'une génération d'égoïstes. Ils n'ont aucune vision, et sans vision le peuple meurt.

        Oui, les usuriers ont fui leurs hautes chaires du temple de notre civilisation. Nous pouvons maintenant rendre ce temple aux anciennes vérités. La mesure de cette restauration est l'ampleur avec laquelle nous appliquons des valeurs sociales plus nobles que le simple profit monétaire.

        Le bonheur ne se trouve pas dans la simple possession d'argent ; il se trouve dans la joie de l'accomplissement, dans l'excitation de l'effort créateur. La joie, stimulation morale du travail, ne doit plus être oubliée dans la folle course aux profits évanescents. Ces jours sombres, mes amis, vaudront tout ce qu'ils nous coûtent s'ils nous enseignent que notre véritable destinée n'est pas d'être secourus mais de nous secourir nous-mêmes, de secourir nos semblables.

        Reconnaître la fausseté de la richesse matérielle en tant qu'étalon du succès s'accompagne de l'abandon de la fausse idée selon laquelle les responsabilités publiques et les hautes positions politiques n'ont de valeur qu'en fonction de l'honneur et du profit personnel qu'on en tire ; et il doit être mis fin à ces conduites dans les banques et les affaires qui ont trop souvent données à une confiance sacrée l'apparence d'un méfait cynique et égoïste. Il n'est pas étonnant que la confiance dépérisse, car celle-ci ne prospère que sur l'honnêteté, sur l'honneur, sur le caractère sacré des engagements, sur la protection fidèle, et sur un comportement généreux ; sans tout cela elle ne peut vivre.

        La Restauration, cependant, ne se satisfera pas que de changements éthiques.  Cette Nation demande de l'action, et de l'action maintenant.

        Notre première tâche, la plus importante, est de remettre les gens au travail. Ce n'est pas un problème insoluble si nous nous y attelons avec sagesse et courage. Cela peut être accompli en partie par un recrutement direct du gouvernement, en traitant le problème comme nous traiterions l'urgence d'une guerre, mais en accomplissant dans le même temps, grâce à ces emplois, les grands projets dont nous avons besoin pour stimuler et réorganiser l'utilisation de nos immenses ressources naturelles.

        Dans le même temps nous devons franchement admettre qu'il y a excès de population dans nos centres industriels et, par la mise en oeuvre d'une redistribution à l'échelle nationale, rechercher à obtenir un meilleur usage de la terre pour ceux qui y sont les plus aptes.

        Oui, la tâche peut être soutenue par des efforts précis en vue d'élever les valeurs des produits agricoles, et en conséquence le pouvoir d'acheter les productions de nos villes. Elle peut être soutenue en évitant avec réalisme la tragédie de la disparition croissante pour cause de saisie de nos modestes maisons et de nos fermes. Elle peut être soutenue en insistant pour que le gouvernement fédéral, les gouvernements d'états et locaux agissent sans délai en réponse à la demande de faire baisser drastiquement leurs coûts. Elle peut être soutenue par l'unification des activités de secours qui aujourd'hui sont souvent éparpillées, peu économiques et inégales. Elle peut être soutenue par une planification nationale et une supervision de toutes les formes de transports et de communications ainsi que d'autres équipements qui ont définitivement un caractère public. Il y de nombreuse manières de la soutenir, mais se contenter d'en parler n'en fera jamais partie.

        Nous devons agir. Nous devons agir vite.

        Et enfin, dans notre progression vers la reprise du travail, nous aurons besoin de deux protections contre le retour des maux de l'ordre ancien. Il devra y avoir un strict contrôle de toutes les activités bancaires, de crédits et d'investissements. Il devra être mis fin à la spéculation avec l'argent des autres, et des dispositions devront être prises en vue de rétablir une monnaie solide et disponible en quantité suffisante.

        Telles sont, mes amis, les lignes d'attaques. Je vais tout à l'heure recommander au nouveau Congrès en session spéciale, les mesures détaillées en vue de leurs réalisations, et je solliciterai l'assistance immédiate des quarante-huit états.

        Par ce programme d'action nous nous résolvons à mettre notre demeure nationale en ordre et à rendre notre balance commerciale excédentaire. Nos relations commerciales internationales, bien qu'extrêmement importantes, sont pour cause de temps et de nécessité, subalternes à l'établissement d'une économie nationale saine. Je préfère, comme politique concrète, d'abord traiter les choses primordiales. Je n'économiserai aucun effort pour rétablir le commerce mondial par des réajustements économiques internationaux ; mais l'urgence domestique ne peut patienter jusqu'à cette réalisation.

        La réflexion fondamentale qui guide ces moyens spécifiques de redressement national n'est pas nationalement — étroitement nationaliste. Elle est l'insistance, en première considération, sur l'interdépendance des divers éléments appartenant et composant les Etats-Unis d'Amérique — la reconnaissance de la vieille et éternellement importante manifestation de l'esprit américain du pionnier. C'est la voie du redressement. C'est la voie immédiate. C'est l'assurance la plus solide que ce redressement durera.

        Dans le domaine de la politique internationale, je consacrerai cette nation à la politique de bon voisinage : celle du voisin qui se respecte lui-même résolument, et par cela même respecte les droits des autres ; du voisin qui respecte ses obligations et respecte l'inviolabilité de ses accords dans et avec un monde de voisins.

        Si je lis correctement le caractère de notre peuple, nous comprenons aujourd'hui, plus que jamais, notre interdépendance les uns aux autres ; que nous ne devons pas nous contenter de prendre, mais que nous devons aussi donner ; que si nous avons décidé d'aller de l'avant, nous devons avancer comme une armée loyale et entraînée prête à se sacrifier pour le bien d'une discipline commune, car sans une telle discipline il n'est point de progrès, et aucune direction ne peut devenir efficace.

        Nous sommes, je le sais, prêts et disposés à soumettre nos vies et nos propriétés à une telle discipline, car elle rend possible une direction visant le plus grand bien. C'est cela que je propose de vous offrir, le serment que les plus grands desseins nous unirons, qu'ils nous unirons tous comme l'obligation sacrée et l'unité du devoir qui n'ont jusqu'ici été évoqués que dans les temps de conflits armés.

        Ce serment pris, j'assume sans hésiter la direction de la grande armée de notre peuple, consacrée à l'attaque de nos problèmes communs.

        Une action de cette nature, une action à cette fin est faisable par la forme de gouvernement que nous avons hérité de nos ancêtres. Notre Constitution est si simple, si pratique qu'il est toujours possible de répondre à des besoins extraordinaires en modifiant son ordre d'importance et son agencement sans en perdre la substance essentielle. C'est pourquoi notre système constitutionnel s'est imposé comme le plus superbement résistant des mécanismes politiques que le monde moderne ait connu.

        Il a été à la hauteur de toutes les tensions dues à de vastes expansions de territoire, aux guerres étrangères, à d'amers conflits internes, aux relations internationales. Et il est à espérer que l'équilibre normal des autorités législative et exécutive soit d'une parfaite égalité, et parfaitement adapté pour faire face à la tâche sans précédent qui nous attend. Mais il se peut qu'une exigence hors-normes ou un besoin immédiat d'action demande qu'on s'éloigne de cet équilibre normal de la procédure publique.

        Je suis préparé, soumis à mon devoir constitutionnel, à recommander les mesures que nécessite une nation accablée au milieu d'un monde sinistré. Ces mesures, ou des mesures similaires que le Congrès pourrait produire de son expérience et de sa sagesse, je ferai en sorte, dans les limites de mon autorité constitutionnelle, de les faire adopter rapidement.

        Mais, dans le cas où le Congrès échouerait à prendre l'une de ces deux voies, et dans le cas ou l'urgence nationale resterait critique, je n'hésiterai pas devant la route évidente du devoir auquel je ferai alors face. Je demanderai au Congrès le dernier instrument restant pour confronter la crise — la vaste puissance exécutive de mener la guerre contre l'urgence, aussi grande que la puissance qui me serait donnée si nous étions réellement envahis par un ennemi étranger.

        En échange de la confiance déposée en moi, je rendrai le courage et le dévouement qui conviennent à l'heure présente. Je ne peux faire moins.

        Nous faisons face aux jours difficiles qui nous attendent avec le chaleureux courage de l'unité nationale ; avec la claire conscience de rechercher de vieilles et précieuses valeurs morales ; avec la satisfaction claire provenant de l'accomplissement sérieux du devoir par l'âgé autant que par le jeune. Nous visons la sûreté d'une vie nationale complète et constante.

        Nous n'avons pas perdu foi dans le... le futur de l'indispensable démocratie. Le peuple des Etats-Unis n'a pas échoué. Dans le besoin ils ont déposé un mandat selon lequel ils veulent de l'action vigoureuse et directe. Ils ont demandé de la discipline et de la direction de leur dirigeant. Ils m'ont fait le présent instrument de leurs souhaits. Dans l'esprit de ce don, j'accepte.

    Dans cette consécration... Dans cette consécration d'une nation, nous demandons humblement la bénédiction de Dieu.

    Qu'Il nous protège tous et chacun d'entre nous.

    Qu'Il nous guide dans les jours à venir.

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