• Budgets participatifs : l'expérience pionnière du Brésil

    bresil" Permettez-moi, pour commencer, d'honorer une dette : sans les initiatives fondatrices de Belo Horizonte et de Porto Alegre, sans cette incitation à imaginer et cet encouragement à passer à l'acte, qui nous sont venus d'un grand pays, le Brésil, qui est aussi un laboratoire de pratiques politiques innovantes, sans doute ne verrions-nous pas essaimer sous toutes les latitudes ces Budgets Participatifs qui furent d'abord conçus et mis en place à grande échelle chez vous.

    Ce droit d'aînesse, en quelque sorte, en matière de budgets participatifs, me semble, chers amis brésiliens, un juste retour des choses : c'est ce qu'Yves Sintomer, dont les travaux nous accompagnent depuis des années, a joliment appelé "le retour des caravelles".
    Autrement dit : le Sud inspirant cette fois-ci le Nord dans un contexte de mondialisation dont la face la plus heureuse est cette intense circulation des idées, cette mise en réseaux des expériences des uns et des autres.
    Il en résulte toutes sortes d'hybridations des meilleures pratiques parmi celles qui s'efforcent de « démocratiser la démocratie », de renforcer la justice sociale et d'améliorer l'efficacité des politiques publiques.
    Car tel est bien l'enjeu de la démocratie participative.
    Et bien des outils y concourent, en premier lieu ces Budgets Participatifs dont vous avez été les pionniers."

    Extrait de l'intervention de Ségolène Royal du 11/12/08 lors du séminaire international sur les budgets participatifs à Belo Horizonte (Brésil).

    Les 11, 12 et 13 décembre 2008,pour fêter les 15 ans de son budget participatif, Belo Horizonte a organisé un séminaire international qui a réuni des élus, des acteurs de terrain et des chercheurs impliqués dans cette façon de partager le pouvoir de décider avec les citoyens.

    brazil


    Présentation de Belo Horizonte et Fernando Pimentel :

    Belo Horizonte, qui compte 2,4 millions d'habitants, est la capitale de l'Etat du Minas Gerais au Brésil. C'est, avec Porto Alegre qui lança le mouvement dans les années 80, une des expériences les plus abouties de budget participatif municipal, démarche aujourd'hui mise en œuvre dans des centaines de villes brésiliennes et latino-américaines.

    L'équipe municipale est conduite par Fernando Pimentel, maire du Parti des Travailleurs, qui fut emprisonné et torturé, dans les années 60, par la dictature militaire. Il achève actuellement son mandat et son successeur, qui prendra ses fonctions en janvier, entend bien continuer à faire fructifier un bel héritage participatif désormais ancré dans les mœurs.

    Il existe aujourd'hui 3 budgets participatifs à Belo Horizonte :

    -    le Budget Participatif dit « de secteur » qui permet à la population de décider d'une partie des investissements municipaux de proximité (infrastructures, équipements sociaux, urbanisation des favelas). Créé en 1993, il repose sur une forte participation des catégories populaires et sur l'utilisation de critères sociaux qui permettent une forte redistribution au bénéfice des quartiers les moins favorisés. C'est ce que ses promoteurs appellent « inverser les priorités » par rapport à une époque où la puissance publique était au service exclusif des plus aisés et où les quartiers pauvres n'avaient droit qu'à des « ouvrages électoraux » de mauvaise qualité, annoncés à la veille des scrutins et accordés en fonction de relations clientélistes avec les élus (par exemple : un bout de chemin hâtivement asphalté dans une favela mais ne résistant pas aux premières pluies post-électorales...). Le budget participatif a permis d'améliorer la qualité et l'entretien des réalisations désormais décidées par la population.

    -    le Budget Participatif « Habitat », créé en 1996 sous la pression du Mouvement des sans logis, qui est devenu le principal programme de construction de nouveaux logements sociaux.

    -    le Budget participatif « Digital », créé en 2006 pour attirer davantage les jeunes, amateurs d'Internet, et les couches moyennes, faiblement investies dans le budget participatif de secteur. Il concerne non plus les réalisations de quartier mais les ouvrages structurants à l'échelle de la ville et se conclue par un vote électronique. Il attire plus de 10% de la population en âge de voter, soit beaucoup plus que la moyenne des dispositifs participatifs. Pour lutter contre la fracture numérique, la municipalité a installé des points de vote dans toutes sortes de locaux et de lieux de passage fréquentés par les catégories populaires ; elle met aussi des accompagnateurs à la disposition de ceux qui n'ont pas l'habitude de se servir d'un ordinateur

    A Belo Horizonte, les citoyens décident directement de l'affectation de 23% du budget d'investissement municipal.


    Budget participatif de secteur :

    Le Budget Participatif de secteur, vaisseau-amiral du système, repose sur un cycle bisannuel et une méthodologie précise articulée autour de quatre étapes principales :

    1)    les assemblées locales de secteurs (Belo Horizonte comporte 9 secteurs qui regroupent 41 quartiers). Elles se déroulent en deux sessions. Lors de la première, la municipalité fait le point sur les ouvrages réalisés, expose les ressources disponibles et la méthode, donne aux représentants de chaque quartier un formulaire destiné à collecter les projets souhaités par la population. Les « dirigeants de quartier » réunissent ensuite localement les habitants pour qu'ils choisissent, après débat, les réalisations qu'ils estiment prioritaires. Les services de la ville en évaluent la faisabilité technique et en chiffrent le coût. Lors de la deuxième session, la population pré-sélectionne 25 ouvrages par secteur et élit ses délégués qui se réuniront pour voter les investissements à intégrer dans le budget municipal ;

    2)    la Caravane des Priorités emmène tous les délégués visiter les sites des ouvrages pré-sélectionnés ; c'est un moment de désenclavement par rapport aux préoccupations locales de chacun et d'ouverture aux besoins des autres ;

    3)    les Forums de secteur réunissent tous les délégués qui choisissent alors 14 des 25 ouvrages initialement sélectionnés et chiffrés, que la Ville s'engage à réaliser sans les modifier ; ils élisent les membres des Comforças (Commisions d'accompagnement et de contrôle de l'exécution du Budget Participatif) ;

    4)    le Forum municipal des priorités budgétaires clôt le cycle : le maire reçoit des Comforças le plan d'investissement des secteurs pour les deux années à venir.

    Une Ecole de la Participation a été créée pour former les « dirigeants de quartier » à partir de la méthode pédagogique mondialement connue de Paulo Freire, souvent utilisée dans l'éducation populaire (construire l'acquisition des connaissances en partant de l'expérience des gens).

    Au Brésil, comme dans toute l'Amérique latine, les Budgets Participatifs sont conçus comme des instruments de « démocratisation de la démocratie », de lutte contre le clientélisme et la corruption, d'amélioration de la planification urbaine et de redistribution sociale.


    Créations d'indice pour une meilleure redistribution :

    La ville de Belo Horizonte a élaboré avec des universitaires deux indices qui, croisés avec les données démographiques, permettent une redistribution volontaire en faveur des quartiers les plus démunis :

    -    un Indice de Qualité de la Vie Urbaine dans les lieux d'habitation, créé en 1996, qui mesure l'accessibilité des services publics en temps de déplacement nécessaire en transports collectifs. Il fait intervenir 11 variables (approvisionnement, assistance sociale, culture, éducation, sports, habitat, infrastructures urbaines, environnement, santé, services municipaux et sécurité urbaine) pour identifier les zones où l'offre est la plus faible ;

    -    un Indice de Vulnérabilité Sociale, créé en 2000, qui s'intéresse à la situation des personnes et des familles. Il mesure 5 dimensions d'accès individuel aux différentes « formes de citoyenneté » : culturelle, environnementale, économique, juridique et « de survie ».

    Misant sur l'égalité d'accès aux services publics, sur une démocratie participative qui confère aux habitants un vrai pouvoir de décision ainsi que sur le couple vertueux développement

    durable/redistribution sociale, Belo Horizonte est devenue « plus propre et moins pauvre ».  Cette politique volontariste au long cours lui a valu le label de « meilleure qualité de vie en Amérique latine », décerné par le Population Crisis Committee.

     

    De part et d'autre de l'Atlantique, un réseau vivant s'est mis en place au fil des ans. Il permet de mettre en commun les réflexions et les pratiques afin que chacun, dans le contexte qui est le sien, enracine à sa manière cette démocratie participative qui n'est pas l'ennemie de la démocratie représentative mais son indispensable complément dans le monde d'aujourd'hui.

     

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