• "Clotilde Reiss n'est pas une espionne, ne cédons pas à la paranoïa"

    Clotilde Reiss a été arrêtée à l'aéroport de Téhéran le 1er juillet alors qu'elle rentrait en France. Elle est détenue depuis plus d'un mois à la prison d'Evin.
    Pour Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'Iran, "plus vite Clotilde sera jugée , plus vite des discussions concrètes pour sa libération  seront engagées".

    Que peut-on attendre du procès de Clotilde Reiss devant le Tribunal révolutionnaire de Téhéran ?

    Il s'agit moins d'un procès que d'un show médiatique. Les accusés qui viennent un par un confesser leurs fautes sont exhibés par les autorités comme lors d'un procès stalinien. C'est une démonstration du pouvoir à usage interne, censée justifiée la répression. Cela dit, dans les extraits diffusés par la police iranienne, on n'entend pas Clotilde Reiss s'excuser à proprement parler. Elle raconte qu'elle était à Téhéran, qu'elle a assité aux manifestations et en a discuté avec ses amis français et iraniens. Ce sont des déclarations extrêmement banales. Elles ne supposent ni excuse ni pardon. Ce qui a été rapporté par la presse iranienne, c'est le mea culpa habituel dicté aux accusés. Cela fait partie de la culture islamique révolutionnaire.

    D'après les agences d'information iraniennes, la jeune femme a reconnu avoir écrit un "rapport" qu'elle aurait remis au patron de l'Institut français de recherche en Iran (IFRI), qui appartient au service culturel de l'ambassade de France. Que sait-on de ce texte ?

    Ce qui est officiellement reproché à Clotilde Reiss, c'est d'avoir participé à des manifestations susceptibles de troubler l'ordre public. On ne sait pas si ce "rapport" fait partie de l'acte d'accusation ou s'il s'agit simplement de ragots tournant autour du procès. Les médias devraient se montrer plus prudents lorsqu'ils reprennent les propos rapportés par les agences de presse iraniennes. Il ne faut pas oublier que ce procès s'inscrit dans une atmosphère de paranoïa stalinienne où la moindre des choses prend des proportions ubuesques. Le texte envoyé par Clotilde au directeur de l'IFRI n'est qu'un simple e-mail. Elle donne des nouvelles et raconte ce qui se passe à Ispahan et Téhéran.

    Quelles relations entretiennent les étudiants français avec leur centre de recherche et l'ambassade de France dans un pays comme l'Iran ?

    Ils sont évidemment en contact régulier. Le devoir d'une ambassade est de s'informer sur ce qui se passe dans le pays où elle est implantée. Les autorités française sont en relation constante avec leurs ressortissants, surtout dans un pays difficile comme l'Iran. Mais il y a une différence entre partager des informations et transmettre des données secrètes. Parler d'espionnage, dans le cas de Clotilde, c'est céder à la paranoïa. C'est aussi absurde que d'accuser l'IFRI d'être une antenne des renseignements français. On ne peut pas reprocher à un centre de recherche de connaître l'Iran, quand c'est précisément sa raison d'être !

    Reste-t-il encore des chercheurs ou étudiants français en Iran ?

    Il n'y a plus aucun personnel universitaire français en Iran. Le directeur de l'IFRI, Philippe Rochard, est rentré en France début juillet. Les derniers étudiants sont rentrés de Téhéran la semaine dernière.

    Êtes-vous inquiet pour Clotilde Reiss ?

    Bien sûr, mais j'ai bon espoir qu'elle soit libérée. Paradoxalement, ce procès est plutôt une bonne chose pour elle. L'Iran est un pays qui se targue de rigueur juridique. Toute personne accusée par la police doit être jugée avant de pouvoir être libérée. Plus vite Clotilde sera fixée sur son sort, plus vite des discussions concrètes sur sa libération  pourront être engagées. Du point de vue des Iraniens, les demandes françaises n'ont pas lieu d'être tant qu'elle est suspecte. Avant qu'une demande de grâce ou qu'une réduction de peine soit prononcée, il faut que la "justice" ait décidé ou non de sa culpabilité.

    L'Elysée et le Quai-d'Orsay ont fermement réagi aux images du procès. La situation de Clotilde Reiss risque-t-elle d'empoisonner un peu plus les relations franco-iraniennes ?

    Ces relations sont exécrables au quotidien. Paris a adopté un discours résolument atlantiste et ce changement de ton déplaît à l'Iran, mais les deux pays n'ont aucun contentieux réel de nature économique ou politique. Personne n'a intérêt à ce que la situation de Clotilde s'envenime.

    Propos recueillis par Elise Barthet

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