• L'agriculture s'installe en ville

    Jardins partagés et fermes urbaines essaiment dans les grandes métropoles du monde entier. L'hebdomadaire allemand Der Spiegel raconte une expérience récente dans un quartier multiethnique de Berlin.

    11.08.2010 | Daniela Schröder | Der Spiegel

    A Berlin, sur la Moritzplatz, là où se rejoignent les quartiers de Kreuzberg et de Mitte dans un univers de béton, là où la plupart des Berlinois ne font que passer, la ville s'est transformée en campagne. Dans le Prinzessinnengarten [jardin des Princesses], tout le quartier sarcle, arrache et remue la terre : jeunes et vieux, universitaires et travailleurs, Turcs, Russes et Allemands. Dans les années 1920, un magasin se dressait à cet emplacement. Aujourd'hui, sur le terrain vague, non loin du mur qui divisait jadis les deux Allemagne, poussent des légumes et des herbes certifiés bio originaires des quatre coins de la planète.

    Pour fêter le début de l'été, des immigrés du quartier de Kreuzberg repiquent des plants qu'ils ontfait pousser dans leur appartement. Menthe turque, coriandre marocaine, ignames africaines : chacun a sélectionné un produit typique de son pays d'origine. Lin Lijun promène un arrosoir rempli d'eau dont elle abreuve méticuleusement ses jeunes pousses. "Des courges chinoises", précise-t-elle. "Je les ai fait pousser dans ma salle de bain."

    L'idée d'amener l'agriculture en ville n'est pas neuve. Déjà, dans les années 1970, les premiers community gardens voyaient le jour à New York : parterres de fleurs et carrés de légumes devaient servir de ciment social face au délabrement des quartiers. Jardiner au cœur de la ville : aux Etats-Unis, ce modèle apparaît pour beaucoup désormais comme le début de la fin de l'agriculture moderne. Detroit, l'ancienne capitale de l'automobile, passée de près de 2 millions d'habitants à moins de 900 000, est en train de mettre sur pied le plus vaste projet de ferme urbaine au monde.

    Mais cette vague traverse  tout le pays : le mouvement Slow Food, qui prône la consommation de produits de terroir et de saison, rêve de transformer non seulement les friches industrielles, mais aussi les cours de récréation de tous les Etats américains en "paysages fertiles". Pour le militant antimalbouffe américain Michael Pollan, l'agriculture urbaine constitue, du fait de la hausse du prix du pétrole, le seul moyen de parvenir à un mode de vie durable dans les grandes villes. Lorsque, au XIXe siècle, l'industrialisation a poussé les hommes vers les centres urbains, les jardins se sont installés à leurs portes. Aujourd'hui, grâce aux sites industriels désaffectés et au recul du nombre de citadins, les emplacements libres pour les cultures sont de plus en plus nombreux. Sans compter que la baisse des salaires et les pertes d'emplois renforcent la tendance actuelle à l'autosuffisance alimentaire. Des métropoles qui affichent une croissance dynamique misent elles aussi sur le jardinage urbain : des villes de plusieurs millions d'habitants comme Shanghai, Hong Kong et Singapour encouragent l'agriculture intra-urbaine depuis des années déjà, à la fois comme source de produits vivriers et de revenus.

    A Cuba, l'agriculture urbaine fait même partie du programme politique officiel. Tout a commencé lors de l'effondrement de l'Union soviétique, quand les livraisons d'engrais vers le pays frère socialiste ont cessé. A La Havane et à Santiago, la agricultura urbana assure depuis lors 90 % de l'approvisionnement en produits frais.

    Les fermes d'Etat des grandes villes cubaines ont aussi inspiré Robert Shaw et Marco Clausen, les créateurs des potagers berlinois. Dans leur Prinzessinnengarten, cependant, l'autosuffisance alimentaire n'est pas la priorité. Cultiver des légumes sert avant tout à promouvoir l'esprit communautaire dans un quartier multiethnique, à favoriser les échanges entre nationalités et générations et à renforcer la compréhension mutuelle. "Dans les jardins ouvriers, c'est le désir d'être chez soi qui prédomine. Chez nous, au contraire, les gens se rencontrent", résume Robert Shaw. "Et les cultures vivrières sont idéales pour cela", ajoute Marco Clausen. "L'alimentation, c'est le vrai dénominateur commun de tous les humains, partout."


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