• La face cachée de la cession de France Télévisions Publicité

     

    Censé passer comme une lettre à la poste, le dossier de la vente de la régie pub de France Télévisions prend un tour de plus en plus politique. Les plus soupçonneux entrevoient déjà le cadeau au trio Publicis-Minc-Courbit. Dans le même temps, le monde de la publicité s'étouffe des conflits d'intérêts à venir.

    Considéré comme bouclé, le dossier de la vente de la régie de France Télévisions à la holding de Stéphane Courbit et Publicis se complexifie un peu plus chaque jour.  

    Pourtant l’influent Alain Minc semblait être parvenu à ses fins. Son objectif : privatiser la régie publicitaire de France Télévisions, la brader au tarif ridicule de 2,6 millions d’euros au lieu des 16 annoncés (voir l’enquête de Médiapart sur le montage financier de l’opération ). Puis placer ses hommes : Maurice Lévy avec Publicis mais surtout son protégé en qui il fonde les plus grands espoirs, Stéphane Courbit, dont Minc est actionnaire de la holding Financière Lov. Même si Stéphane Courbit fait valoir que c’est par la société Lov Group investment, dont il est le seul actionnaire, qu’il a participé à cette opération.

    Tout semblait aller de soi. Quelques frictions ici ou là. Ainsi Christophe Girard, adjoint au maire de Paris a bien saisi « le Conseil d'État afin de stopper la privatisation de la régie publicitaire de France Télévisions », estimant que le dossier prend une tournure trop politique.  « Comme ont pu le révéler Mediapart, Le Monde et le Canard Enchaîné, le principe de concurrence, qui s’impose à tout service public, n’aurait pas été respecté car le consortium choisi aurait été clairement favorisé au détriment des autres candidats au rachat de France Télévisions Publicité » écrit-il sur son blog.

    Christophe Girard fait également valoir que « cette délibération constitue un détournement de l’usage de la redevance et n’est pas conforme aux finalités du service public de télévisions. En effet, celui-ci (…) n’a aucunement pour objet de contribuer, même indirectement, au résultat d’une entreprise privée. Or, à compter de la date de la cession de 70% du capital de France Télévisions Publicité (FTP) au consortium formé de la Financière Lov et de Publicis à novembre 2011, 70% des résultats de FTP seront versés à ce consortium, qui tirera ainsi partie des recettes publicitaires de France Télévisions ». Chacun ses conflits d’intérêts donc: Courbit sera bientôt à la fois producteur d'émissions sur FTV et vendeur de  publicité dans ces émissions, qu'il pourra éventuellement avantager par rapport aux productions de ses concurrents.

    Le monde de la publicité en ébullition


    Dans le monde de la publicité, des voix se font également entendre. Publicis peut-il prendre la tête d'une régie publicitaire d'un groupe pour lequel il travaille? Peut-on être à la fois régisseur publicitaire ou actionnaire de media d'une part, agence de publicité et/ou agence d'achat d'espace d'autre part ? Pour être plus clair, peut-on être celui qui décide dans quels supports l’annonceur va passer sa pub et celui qui encaisse le résultat des publicités? En France Bolloré (Havas) est déjà dans cette situation, voilà que Publicis prend le même chemin.


    Une exception française qui met le secteur de la publicité en ébullition. Le 12 février,  Guillaume Pannaud, le président de TBWA-Paris faisait paraître une tribune dans Le Monde intitulée « Publicité : le grand bond en arrière ». Le PDG de l’agence voit dans l’entrée de Publicis dans le capital de FTP cinq risques majeurs : le conflit d’intérêt, « comme si une entreprise était à la fois, médecin, pharmacien et laboratoire », une distorsion inévitable de la concurrence, une inégalité de traitement entre les annonceurs, la possibilité d’attenter à la ligne éditoriale de FTV et le soupçon d’un retour à des pratiques rétrogrades.

    Le deuxième assaut viendra des dirigeants d’Omnicom, le premier groupe de publicité au monde. Dans une lettre ouverte à Christine Lagarde, Ministre de tutelle de la DGCCRF, et Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication, Hervé Brossard, président d'Omnicom Media Groupe France, et Bertrand Beaudichon, vice-président, entendent sensibiliser les deux membres du gouvernement aux « conséquences extrêmement graves du projet » en cours. Et d'insister sur les principaux risques qui accompagneraient une telle issue : « perte de transparence, dérégulation de la concurrence et conflits d’intérêts ».

    Un cadeau au trio Publicis-Minc-Courbit

    Critiqué de tous côtés, le rachat de la régie de FTV se complique. Patrick de Carolis, jusqu’ici pas très regardant sur les aberrations d’une telle opération assure ses arrières en décidant la mise en place de deux groupes de travail sur les garanties de cession de FTP. Présidé par Patrice Duhamel, le premier groupe de travail est chargé de « verrouiller » Courbit afin qu’il ne puisse pas imposer une ligne éditoriale aux chaînes publiques via la régie. Le second groupe cible plutôt « Publicis » afin d’empêcher le groupe d’abuser de sa position de pieuvre publicitaire.

    Les groupes rendront leurs conclusions à la mi-mars et les discussions « pourront alors s'engager ». En théorie là encore. Difficile d’imaginer de telles négociations s’engager alors que Bruxelles, en pointant la taxe Télécom –censée financer la suppression de la pub- a clairement rouvert le débat d’un maintien de la publicité en journée. Une hypothèse loin d’être rejetée par les députés de la majorité qui n’en remettent pas pour autant en question la privatisation de la régie -ce qui serait la moindre des choses, selon les syndicats de FTV-. Cherchez l’erreur.

    Justement, c’est la thèse du député PS Didier Mathus qui voit là comme « un ressort caché » :  offrir une coquille censément vide (accessoirement une régie ultra-performante) au trio Publicis-Minc-Courbit 
    avant d’annoncer le maintien de la publicité sur les antennes du service public. S’il devait se confirmer, ce scénario aurait alors tous les airs d’un conte de fées.

    Régis Soubrouillard - Marianne
    http://www.marianne2.fr/Copains,-cadeaux-La-face-cachee-de-la-cession-de-France-Televisions-Publicite_a189542.html?com#comments
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