• Le microcrédit réduit-il la pauvreté ?

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    Système de crédit accordé aux plus pauvres, le microcrédit est aujourd’hui évalué pour la première fois, dans le nouvel ouvrage d'Esther Duflo. Certes, il n’a pas transformé tous les pauvres en entrepreneurs comme l’espérait son inventeur, Mohammed Yunus. Mais il rend néanmoins beaucoup de services.

    Questions à Esther Duflo, professeur d’économie du développement au Massachusetts Institute of Technology.

    Dans votre dernier ouvrage, vous publiez la première évaluation du microcrédit (1). Bien qu’il ait été inventé il y a plus de 30 ans par Mohammed Yunus, cet instrument n’avait encore jamais été testé. Qu’avez-vous trouvé ?

    E. D. Après avoir été encensé comme un remède miracle à tous les problèmes de la pauvreté, le microcrédit est aujourd’hui décrié par certains qui y voient un système exploitant l’incapacité des plus pauvres à rembourser leurs emprunts. On l’accuse même de ruiner les économies locales. Ce que nous avons constaté avec nos études d’évaluation est bien plus nuancé : si le microcrédit ne transforme pas en profondeur la vie des plus pauvres comme on l’avait espéré, il ne suscite pas non plus chez eux une frénésie de dépenses incontrôlées.

     

    Le microcrédit n'est donc que partiellement efficace ?

    E. D. Notre évaluation réalisée en Inde montre que c’est un instrument qui comble un manque. Lorsque l’on compare deux populations choisies au hasard, l’une ayant accès au microcrédit et l’autre pas, au bout de dix-huit mois, on constate que seules les personnes qui en ont bénéficié investissent dans des biens durables que ce soit pour leur activité (machine à coudre, tissu) s’ils en ont une ou pour leur foyer (vélo, télévision, frigidaire…). Et ces mêmes personnes dépensent moins dans les biens de « tentation » (alcool, tabac).

     

    Qu’attendait-on de particulier ?

    E. D. Mohammed Yunus pensait que le microcrédit allait réveiller l’entrepreneur qui sommeille en chacun de nous. Mais nous avons constaté que seul un microcrédit sur huit sert à créer une entreprise. Car la plupart du temps, quand les gens très pauvres créent leur activité, c’est faute de mieux, pour survivre. On s’attendait aussi à ce que, les femmes étant les principales bénéficiaires du système, le microcrédit renforce leur pouvoir de négociation au sein de la famille, avec des retombées positives en termes d’éducation et de santé. Mais il n’en est rien et ce n’est pas si étonnant : ce n’est pas parce que les pauvres accèdent au crédit qu’ils doivent prendre en charge les services assurés par l’Etat dans les pays riches.

     

    Peut-on améliorer le système ?

    E. D. Pour l’instant, le microcrédit finance des activités familiales plutôt que de véritables entreprises créatrices d’emploi. Car les deux règles qui sont sa marque de fabrique -la solidarité entre les emprunteurs les obligeant à rembourser à la place des autres si nécessaire et le remboursement hebdomadaire- limitent le montant des crédits demandés, donc la prise de risque nécessaire au développement d’une entreprise. Or ces règles peuvent être assouplies. En supprimant le prêt solidaire mais en maintenant les liens sociaux à travers des réunions hebdomadaires, plusieurs institutions, dont la Grameen Bank, ont constaté que le niveau de remboursement restait élevé. À Calcutta, nous avons testé le remboursement mensuel et constaté qu’il permettait effectivement des emprunts plus importants, même s'ils sont plus risqués.

    Propos recueillis par Marie-Laure Théodule

    SOURCE : http://www.larecherche.fr/content/actualite-economie/article?id=27186

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