• Si la jeunesse n’a pas toujours raison…

    Par Najat-Vallaud Belkacem
    http://www.najat-vallaud-belkacem.com/



    A la croisée de deux actualités qui interrogent nécessairement les solidarités intergénérationnelles, la réforme des retraites et les états généraux de la violence à l’école, me revenait à l’esprit un sondage récent qui m’a particulièrement interloquée. Selon cette étude réalisée par l’AFEV, plus de la moitié des Français ont une opinion négative de la jeunesse, 62 % d’entre eux ne la trouvent pas capable de se prendre en main et 41 % seulement pensent avoir des valeurs communes avec elle…

    Triste constat auquel j’ai du mal à croire tant il me parait injuste à l’endroit d’une génération née durant ces interminables « Trente piteuses », qui est aujourd’hui (structurellement et pas seulement à la faveur de la crise) la première victime du chômage et de la précarité, première à souffrir du mal-logement, première génération à ne pouvoir attendre de son travail ou de ses études un meilleur niveau de vie que celui de ses parents. Des parents justement dont cette jeunesse va devoir désormais assumer l’héritage pas toujours glorieux : financement des retraites, remboursement des déficits publics, réchauffement climatique et dérèglements environnementaux en tout genre. Patrick Artus s’interrogeait en 2006 sur cette situation inédite dans un ouvrage opportunément intitulé « Comment nous avons ruiné nos enfants »…

     

    « L’avenir est comme une bombe bénéfique ou maléfique, au mécanisme d’horlogerie profondément enfoui, mais dont le tic-tac résonne dans le présent, écrivait Hannah Arendt. Les jeunes générations sont, plus que les autres, celles qui entendent le bruit du tic-tac ». J’en suis pour ma part convaincue, mais si la jeunesse entend le tic-tac de l’avenir, qui entend le tic-tac de la jeunesse alors même que beaucoup des choix politiques, économiques et sociaux qui sont faits aujourd’hui, par d’autres que par elle, engagent son avenir ? N’est-il pas singulier d’imaginer qu’aucun des députés et des sénateurs qui voteront la réforme du régime de retraite ne vivra vraisemblablement personnellement l’horizon de 2050 dont ont nous parle, à l’exception (je lui souhaite) d’Olivier Dussopt, le benjamin du Palais Bourbon ? Je vous laisse le soin de la réponse en constatant, que la jeunesse se détourne malheureusement de la politique quant la politique se détourne d’elle.

    Que dire de ce point de vue du plan Jeunesse annoncé il y a un an par Nicolas Sarkozy ? Rien. Comme il n’y a rien à dire du Plan Espoir banlieue, de la réforme de l’Université ou encore des lycées. Ce gouvernement n’a aucune ambition pour cette jeunesse qu’il craint et qu’il ne connaît pas et qui d’ailleurs n’a pas voté pour lui en 2007 pas plus qu’aux Européennes ou aux régionales… bien des raisons de ne pas s’y intéresser ou alors à coup de karcher !

    La « République des jeunes », cette ambition née du Conseil national de la résistance et qui a donné vie, aux lendemains de la seconde guerre mondiale,  aux mouvements de jeunesse, reste aujourd’hui plus que jamais une idée neuve. Face à la droite qui contemple une jeunesse désenchantée, la gauche peut répondre par la construction d’une classe d’âge engagée et responsable. Et si nous trouvions, par exemple, le courage, comme nos cousins québécois, d’inscrire dans notre arsenal législatif une « clause d’impact jeunesse » ? Elle signifie là bas que tous les projets de reforme présentés en conseil des ministres qui ont un impact sur les générations à venir doivent être examinés dans un souci d’équité générationnelle. Une telle notion aboutit à l’élargissement du champ de la politique de la jeunesse d’une part, loin de la définition étriquée que nous en avons ici,  et surtout permet aux nouvelles générations de jouer un rôle structurant dans des débats aussi centraux que la répartition des gains de la croissance, la fiscalité, l’environnement, la régulation de l’emploi, le financement de la dépendance, la réforme des retraites etc.

    « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, disait François Mitterrand, la société qui la méconnaît [...] a toujours tort »


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