• Hausse des impôts locaux: les socialos ont bon dos

    (photo : flickr - cc - stuartpillbrow)

    A la veille des élections régionales, l'UMP attaque les régions socialistes sur la hausse spectaculaire des impôts locaux. La responsabilité en incombe en fait surtout à la crise qui les prive de revenus, à l'Etat qui les charge de compétences nouvelles et à des maires très ambitieux...

    « Le matraquage fiscal des régions socialistes ». Habituez-vous à cet alexandrin démagogue de Xavier Bertrand : ce sera le refrain de la campagne pour les élections régionales. La hausse moyenne de 6,1% des impôts locaux, l'UMP a décidé d'en tirer tout le parti possible. Et nous fait même le coup du « Livre noir des régions socialistes », opuscule bourré de chiffres tape-à-l'oeil, orchestré par Roger Karoutchi pour axer la course aux régions sur l'argument de la mauvaise gestion. Un beau coup politique. C'est à dire pas très honnête ni très rigoureux. Sans vouloir décerner aux socialistes un premier prix de gestion, on peut tout de même constater que, pour un part non négligeable, la hausse des impôts locaux est dûe… à la politique du gouvernement!

    Premier constat général : la crise a privé tous les collecteurs d'une part non négligeable de leurs recettes. L'Etat, bien évidemment, mais aussi les collectivités locales qui, frappées par les plans sociaux et la hausse du taux de chômage de 1,8 points sur un an, ont vu les perspectives de levées de taxe professionnelle fondre. Même constat pour la TIPP : par souci d'économie, les ménages ont moins pris leur voiture, impactant directement les finances locales, notamment pour les régions qui en sont les premières bénéficiaires dans la hiérarchie territoriale. « En Paca, la TIPP a baissé de 4% en un an, constate Robert Alfonsi, vice-président du Conseil régional. Or, c'est l'impôt qui nous sert à financer les infrastructures ferroviaires ! » Et voilà pour les investissements écologiquement responsables.

    Les régions : les lycées en plus, le bouclier fiscal en moins

    Malgré cette restriction, la hausse de la part régionale des impôts a été la moins sensible : malgré les augmentations à deux chiffres présentées par Karoutchi dans son livre noir, les feuilles d'impôts n'ont pas été alourdies de plus d'une trentaine d'euros en moyenne en 4 ans du fait des régions (qui récoltent entre 5 et 10% du total des impôts locaux). « Nous avons désormais à notre charge les lycées, et notamment les TOS [personnel non enseignant], détaille Jean-Marie Beffara, président du groupe PS de la région Centre. Au moment du transfert, certaines charges n'ont pas été prises en compte, comme la rémunération des remplaçants dans les établissements ! » Et quand bien même : l'Etat a gelé une bonne part de la dotation globale de fonctionnement, censée compenser les transferts de compétence !

    « L'augmentation dont parle Roger Karoutchi en région Lorraine, c'est 10 à 20 euros par foyer fiscal en 4 ans ! Tranche un membre du groupe socialiste au conseil régional. En 2007, nous avons augmenté de 18% les impôts et avons encaissé 18 millions en plus. Mais entre le bouclier fiscal et le fonds de péréquation, qui considère que la Lorraine est une région riche car elle a beaucoup de foncier industriel, nous en avons restitué 14 millions à l'Etat ! » Décentralisation et bouclier fiscal ont donc sérieusement impacté les finances régionales.

    Beaucoup s'attendent à ce que les régions préparent leur hausse pour le lendemain des élections, histoire de ne pas effrayer les électeurs. Une prudence à laquelle s'ajoute la suppression, prévue pour le 1er janvier, de la taxe professionnelle (une de leurs principales sources de revenus) que certains comptent bien compenser par eux-mêmes, doutant que l'Etat tienne sa promesse de le faire... Mais, pour l'instant, l'argument de l'UMP est aussi inexact que ridicule: la seule région contrôlée par la majorité (hormis la Corse), l'Alsace, a opéré des hausses du même ordre depuis quatre ans.

    Les départements : explosion de la charge du RSA et de l'aide aux pauvres

    Elus en 2008, les conseillers généraux ont opéré un sacré « rattrapage ». Selon la Direction générale des collectivités locales, citée par Le Figaro, les départements décrochent la palme de la hausse annuelle des collectivités locales avec 6,3% de moyenne nationale. Et là, on change d'échelle : l'augmentation porte sur des centaines d'euros. Le record absolu ? Paris ! Dépourvu jusqu'ici d'impôts généraux, les habitants de la capital ont découvert 100% d'augmentation dans la case prévue à cet effet, soit 188€ en moyenne. Du côté des gros chiffres, les habitants des Hauts-de-Seine dégustent, notamment ceux de Neuilly qui s'acquitteront en moyenne de 778€ pour le 92 (+4,7%). Pour les plus fortes poussées, direction les Hautes-Alpes et La Réunion (+30%), l'Ain, les Alpes Maritimes, la Seine Maritime ou le Lot-et-Garonne (tous autour de +15%).

    A la décharge des départements, une de leurs principales sources de financement, les « frais de mutation » en cas de vente d'un bien immobilier (14% des recettes en moyenne), s'est effondrée du fait de la baisse du marché de l'immobilier : entre 30 et 35% de moins en un an. Parallèlement, les départements financent la majeure partie des mécanismes d'aides aux démunis : RSA, allocation personnalisée d'autonomie, aide sociale à l'enfance... Autant de frais qui explosent en temps de crise. « Le contrat Etat-région sur la modernisation des maisons de retraite a été interrompu, pointe Andréa Goumont, présidente de la commission finance en région Midi-Pyrénées. La charge en a intégralement été transférée aux conseils généraux, que nous ne sommes pas autorisés à aider dans ce financement. »

    Là encore, ces nouvelles compétences sont des choix de l'Etat dans la décentralisation des processus d'aide aux personnes en difficulté. Mais la responsabilité est ici largement partagée par les parlementaires: la moitié des conseils généraux étant présidés par des députés (pour 20 d'entre eux) ou des sénateurs (31 présidents de départements), ils savaient où ils mettaient les pieds...

    Les localités et intercommunalités : les ambitieux rattrapent les années électorales

    Mais les disparités les plus fortes se retrouvent au plus bas échelon : celui des communes et intercommunalités. Là, la décentralisation n'est pas encore de mise pour expliquer la hausse, seulement des recettes réduites, notamment les fameux « frais de mutation » qui ont, par exemple, privé Paris de près de 400 millions d'euros de rentrées fiscales. Mais plus que les baisses des rentrées, ce sont les conséquences de choix locaux qui amènent à des hausses, parfois mirobolantes, des impôts.

    Certaines villes, plombées par la crise des subprimes dans lesquelles elles avaient placé leur trésorerie, compensent par la hausse des prélèvements. Comme le révèle l'enquête de magazine Capital, Saint-Etienne (qui avait placé 60% de sa dette dans des produits complexes ) a ainsi augmenté les impôts municipaux de 10,9% tandis que les Asniérois doivent éponger chaque année 14 millions de dette à cause des mauvais placements Manuel Aeschlimann (+16,7% d'impôts cette année).

    A côté des augmentations directes, certains font passer la hausse par des chemins détournés. Dans les villes socialistes, la méthode de la taxe sur les ordures ménagères fait recette : à Reims, elle a été gonflée de 27%, en partie pour financer le nouveau tramway voulu par Adeline Hazan, à Grenoble de 25% en plus d'une seconde taxe pour la communauté d'agglo...

    Plus que les compensation de pertes, ce sont surtout les investissements qui expliquent les plus gros appétits fiscaux. A ce titre, le recordman est Chrisitan Estrosi : un Grand Stade, un parc des expositions, une nouvelle ligne de tramway, un port et un téléphérique pour le quartier de l'Observatoire (qui tombe par ailleurs en ruines)... Près d'un milliard trois cent millions d'euros, rien n'est trop beau pour Nice qui voit ses impôts municipaux augmenter de 15% et de belles envolées pour l'intercommunalité qu'il dirige. A ce jeu, il n'y a guère que Bertrand Delanoë à Paris, avec le nouveau Forum des Halles ou les lignes de tramway, qui peut rivaliser.


    Marianne2.fr
    Partager via Gmail Yahoo!

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :