• Le budget participatif des Lycées en Poitou-Charentes

    Ségolène Royal s'adresse par visio-conférence aux participants du séminaire international des budgets participatifs à Belo Horizonte (Brésil), où elle était conviée,le 12 décembre 2008.
    ( Pour en savoir plus sur Belo Horizonte
      fleche)

    Elle y expose ici l'expérience du Budget Participatif des Lycées dans la région Poitou-Charentes qu'elle préside.

    poitou charentes carte


      Je voudrais vous dire quelques mots de la manière dont nous avons imaginé et mis en œuvre (nous sommes d'ailleurs la seule région de France à l'avoir fait) une expérience adaptée à ce que nous sommes : une Région et non une ville, avec des missions spécifiques dans un pays, la France, dont le paysage institutionnel est différent de celui du Brésil.
    Je m'étais engagée, lors de ma campagne électorale pour conquérir la tête de cette Région en 2004, à mettre en place une véritable démocratie participative, c'est-à-dire vraiment et directement appliquée à l'action de la Région.

    Bien sûr, nous mettons aussi en place des forums participatifs qui contribuent à l'élaboration de nos orientations dans tous nos secteurs d'intervention, mais nous avons surtout créé un Budget Participatif dans les lycées (qui correspondent chez nous à l'enseignement secondaire, aux grands adolescents, soit le quart du budget régional).
    Je voulais un sujet majeur, un sujet concret, un sujet fédérateur, et pas une vague consultation aux règles floues et aux conséquences opérationnelles incertaines. C'est pourquoi nous avons décidé d'affecter chaque année à ce Budget Participatif 10 millions d'euros - c'est une somme considérable - avec deux idées-forces : « partager les décisions pour prendre les bonnes » et surtout faire en sorte qu'« un euro dépensé soit un euro utile ».


    Nous voulions aussi que ce Budget Participatif soit doublement « inclusif » :

    - dans chaque établissement, les assemblées du Budget Participatif sont ouvertes à tous (pas seulement aux élèves mais aussi aux parents, aux enseignants et aussi aux personnels techniques et ouvriers d'entretien des lycées) ;
    - nous l'avons aussi étendu à toutes les filières d'enseignement (général et professionnel) donc tous les types de formation, toutes les catégories socio-professionnelles et toutes les zones d'habitation (le rural profond comme l'urbain et le péri-urbain).

    Nous avons bâti une méthode, librement inspirée de votre démarche (voir) et destinée à garantir la qualité des délibérations. Elle alterne les petits groupes (propices à l'expression de ceux qui n'ont pas l'habitude de prendre la parole) et les séances plénières (moments de mutualisation des préoccupations et des projets, d'échange d'arguments pour construire un intérêt général).
    J'ai participé à plusieurs de ces réunions de mutualisation lors d'assemblées du budget participatif des lycées.
    Nous avons mobilisé les services techniques de la Région pour que, tout au long du processus, nous puissions expertiser la faisabilité technique des projets, les chiffrer, rendre des comptes sur leur réalisation, informer les participants sans influer sur leur décision, bref instaurer un vrai débat public et sortir du secret.

    Cette démarche qui permet d'utiliser de façon optimale l'argent public est formalisée par un vote, un vrai vote avec des urnes, sur les différents projets proposés. Chaque participant (lycéen, parent d'élèves, enseignant, personnel technique) dispose de 10 bulletins qu'il peut utiliser à son gré.
    La Région s'engage à financer les trois premiers projets classés en tête dans chaque établissement, qu'il s'agisse d'aménagements à réaliser, d'équipements à acquérir ou de projets concernant la vie lycéenne, culturelle en particulier.

    Plus d'un millier de projets ont ainsi été financés en quatre ans.
    Ce qui est intéressant, c'est de voir que la participation des élèves augmente régulièrement : nous en sommes, pour l'année qui vient de s'écouler, à plus de 15.000 participants dont 13.500 lycéens sur une population de 50.000 élèves.
    Vous voyez que l'appétit participatif vient... en participant et surtout au vu des résultats concrets, d'où l'importance d'une réalisation rapide des travaux, sujet que vous connaissez bien.

    Chaque année, nous confions à des chercheurs une évaluation indépendante de ce dispositif : ils nous ont indiqué que le taux de participation se situe dans la fourchette la plus haute des budgets participatifs européens.
    Nous demandons également aux participants de nous faire part de leur évaluation car nous sommes conscients qu'il faut sans cesse analyser, ajuster, corriger, pour éviter la routine qui guette toute forme d'institutionnalisation, même la participative.


    Au début, il y a eu beaucoup de réticences. J'avais même repéré, dans un certain nombre de lycées, des chefs d'établissements qui fixaient la réunion participative après le départ du car de ramassage scolaire : évidemment, il n'y avait pas beaucoup de monde dans ces réunions-là... Petit à petit, ces résistances ont été levées. Nous avons eu aussi des protestations d'un certain nombre d'élus ou de membres du Conseil Economique et Social régional (qui sont des représentants des corps intermédiaires dans nos institutions) qui opposaient la démocratie représentative à la démocratie participative, alors que j'ai toujours défendu leur complémentarité et surtout le fait que la démocratie participative aide les élus à mieux exercer leur mandat.
    Alors, cela a été une petite révolution culturelle que ce Budget Participatif !
    Il a parfois déstabilisé dans un premier temps, parfois fait peur à l'autorité institutionnalisée dans les établissements scolaires. J'ai même eu au départ certains chefs d'établissement qui me disaient : « Nous, on sait parfaitement ce dont les lycéens ont besoin et on n'apprendra rien par le Budget Participatif ». Mais à l'issue du débat et du choix des élèves, des choix souvent très judicieux, les chefs d'établissement eux-mêmes ont découvert des problèmes qui existaient dans leur établissement scolaire, qu'il ignoraient et que le Budget Participatif a mis en lumière, notamment sur des aspects de la vie lycéenne, des questions de dignité des jeunes (comme dans les internats) et leur soif de développement culturel, ce qui nous a conduits à mettre en place des politiques régionales directement issues des réflexions des jeunes lors des Budgets Participatifs. Par exemple, c'est grâce aux Budgets Participatifs et aux débats déployés dans les lycées que je me suis rendu compte de la carence de l'offre culturelle à destination des lycéens, de leur soif d'accès à la culture, notamment en milieu rural, dans les endroits où la culture est plus difficilement accessible. Cela nous a conduits à créer un nouveau métier en Région : le métier d'animateur culturel dans les lycées ; ce sont des emplois spécialement intégrés dans les lycées pour permettre à tous les jeunes d'accéder au théâtre, au cinéma, à la photographie, aux arts plastiques ainsi qu'aux sorties musicales et culturelles. Désormais, ces projets culturels dans les lycées sont une véritable institution régionale.

    S.Royal, le 12 Décembre 2008




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