• Les jury citoyens en Poitou-Charentes

     

    Ségolène Royal s'adresse par visio-conférence aux participants du séminaire international des budgets participatifs à Belo Horizonte (Brésil), où elle était conviée,le 12 décembre 2008.
    ( Pour en savoir plus sur Belo Horizonte 
    )

    Elle y expose ici l'expérience des Jurys citoyens et des ateliers participatifs dans la région Poitou-Charentes qu'elle préside.

    " (...) nous avons mis en place des jurys citoyens et des ateliers participatifs pour évaluer les politiques régionales, avec un tirage au sort, comme j'en avais pris l'engagement devant les électeurs (les jurys durent quatre jours et les ateliers une journée). Tous sont tirés au sort. Nous leur demandons un Avis motivé sur l'efficacité des politiques publiques que nous conduisons, par exemple sur nos actions de lutte contre le changement climatique ou sur les aides à la création d'activité, que nous appelons les Bourses Tremplin « Désir d'entreprendre ».

    Là aussi, nous avons mis en place des règles du jeu claires (parce que je ne voulais pas que cela soit « bidon » si vous me permettez cette expression) et une méthode précise qui tiraient les leçons des expériences de jurys de citoyens berlinois, espagnols ou nord-américains. Nous avons ménagé des temps d'appropriation de l'information par des citoyens ordinaires, « profanes », précisé les conditions d'audition des experts et des services régionaux, d'élus de la majorité et de l'opposition. Nous avons prévu des temps d'échange à huis clos et d'élaboration collective des propositions.
    La Région s'est interdit de prendre part à ces délibérations collectives pour que la parole y soit totalement libre et que la réflexion soit à l'abri de toute influence.
    Notre particularité, par rapport aux expériences européennes, est de faire intervenir ces jurys dans l'évaluation de l'efficacité de nos politiques régionales, pour rectifier un certain nombre d'actions publiques. C'est ce que j'appelle l'expertise citoyenne et l'intelligence collective. Elles ne se substituent pas à l'expertise technique : elles la complètent. Elles n'amoindrissent pas la responsabilité politique : elles la renforcent.


    La Région s'engage à répondre publiquement, lors de son assemblée régionale, et point par point aux observations et aux préconisations de ces Jurys citoyens. Nous indiquons précisément les remarques et les propositions que nous acceptons ainsi que les conséquences opérationnelles que nous en tirons. Nous indiquons également celles que nous ne retenons pas mais en donnant les raisons pour lesquelles nous ne suivrons pas, le cas échéant, telle ou telle recommandation.
    Alors pourquoi ce tirage au sort ? Parce que souvent, en France, les réunions de quartier n'ont rien de participatif, au sens où ce sont toujours les mêmes gens qui viennent aux réunions : les gens les plus motivés, les plus informés, les plus militants. Ce qui est important dans le tirage au sort, c'est qu'il permet une représentation plus diversifiée des citoyens : pas seulement les plus diplômés, les plus habitués à prendre la parole, ceux qui connaissent déjà les institutions,  traditionnellement sur-représentés, mais aussi tous les autres qui sont d'ordinaire sous-représentés.
    Notre Budget Participatif des Lycées (voir) échappe à ce « biais sociologique » car il fédère tous les milieux sociaux et tous les territoires..
    Les tirages au sort permettent à nos jurys citoyens d'être pleinement représentatifs de la diversité sociale, territoriale et générationnelle de la population du Poitou-Charentes. S'y sont en effet retrouvés côté à côté des actifs et des chômeurs, des retraités et de jeunes mères au foyer, des ouvriers, des cadres et des artisans, des travailleurs indépendants, des salariés du secteur public et du secteur privé, de toutes origines, urbains et ruraux.
    L'un d'eux, ouvrier de nuit dans une usine de produits surgelés, nous a dit après coup qu'il avait craint de « n'être pas à la hauteur » et quelle avait été sa joie d'avoir pu, au bout du compte, échanger à égalité avec d'autres, en se sentant, selon ses propres termes, « un citoyen vraiment à part entière ».Nous ne connaissons pas l'opinion politique des membres de ces jurys : on retrouve des gens de droite, des gens de gauche, des gens qui étaient dans l'opposition, des gens qui n'ont pas voté pour moi. Tous nous ont dit leur surprise d'avoir été tirés au sort et d'être respectés en tant que citoyens, experts de ce qui les concerne.

    En France les jurys citoyens avaient soulevé un tollé pendant la campagne de l'élection présidentielle, parce que les gens qui ont du pouvoir ont peur de s'en faire prendre un peu. Il était donc important de démontrer par la preuve, dans la Région que je préside, que ces idées que j'avais développées pendant la campagne et auxquelles je crois profondément (c'est un levier de la démocratie), peuvent fonctionner et être un élément majeur de l'efficacité des politiques publiques.


    Je crois aussi que la démocratie participative est le meilleur moyen de lutter contre le populisme. On m'avait agressée sur le thème : « la populiste ! », « il faut une avant-garde éclairée pour montrer au peuple quel est son bonheur », etc. J'ai répondu : « Non ! l'expertise citoyenne a aussi sa place car elle complète l'expertise technique et enrichit le savoir-faire politique, comme nous le démontrons dans la Région Poitou-Charentes."

    Parallèlement, il faut aussi un développement de la démocratie sociale, qui rééquilibre le rapport de force entre le capital et le travail. Avant de venir vous parler, j'étais en réunion de crise avec des représentants du patronat et des syndicats. Les syndicats ont fait observer qu'ils étaient totalement écartés des structures d'attribution des fonds publics aux entreprises. Les banques et les entreprises se retrouvent entre elles. Eh bien ici, dans la Région que je préside, les représentants des ouvriers et des salariés sont membres de ces structures d'attribution des fonds publics car ce sont des contribuables comme les autres, ils sont aux avant-postes de ce qui se passe dans les entreprises, et il n'y a aucune raison de leur fermer la porte des commissions d'attribution des aides publiques. "

    S.Royal, le 12 décembre 2008

     

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